Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 14 avril 2011

L'∞, 111

J'ai tout appris. J'ai eu du mal mais j'ai fini par tout apprendre. Les années passant, c'est devenu une certitude. Les questions n'appellent pas le moins du monde des réponses, il suffit de leur opposer des réactions automatiques. Mécanismes. Ils se déclenchent à certains mots, comme une mécanique. Un ressort se détend dans ma tête et les réponses fusent. Il suffisait de les mettre en place. Patiemment. Comme les réponses incomplètes qu'on trouve dans les manuels de conversation, pour nos vacances, l'été, dans un pays où on ne reviendra pas. J'ai appris, j'ai bien compris, qu'à la question "quand" il faut apporter des réponses quantifiées, précises et surtout qui ne fassent aucune référence à la mer, à la fatigue du vent, au froid de la pierre quand le soleil aura disparu et que lentement, invisiblement, la nuit commencera à monter et à étendre son voile.

Le sel de mer se dépose en fine couche et attaque alors toutes les certitudes.

Il suffit qu'il constitue un très léger dépôt et la métamorphose commence. Il y a alors une opération chimique de corrosion qui s'exerce sur toutes les phrases employées. À partir de là, on pourrait répéter l'opération autant de fois qu'on le voudrait, dans toutes les situations, il suffit de repérer les questions (ça va ?, tu as fini ?, tu veux venir ?, vous comprenez ?, tu es d'accord ?, tu veux bien ?, vous êtes contente ? ....). Évidemment. Je ne vais pas me livrer à cette variation. Il y en aurait autant de possibles que les vagues qui bercent les bateaux dans le port. Et puis je n'ai pas les réponses.

Il peut suffire d'intercaler, pour commencer, un tant soit peu de silence.

Le sel que la mer dépose sur les lèvres y dépose aussi un sourire. Quelque chose comme une esquisse. Presque rien. On hésite avant de se mordre les lèvres et de le reprendre, là,l'alchimie de son goût dans la bouche ne se reproduit pas si souvent. Il grippe les mécanismes. Et mes paroles sonnent différemment. Je ne sais pas si ça s'entend, mais il me suffit pour le moment de repérer dans les phrases ce tremblement qu'on pourrait attribuer au souffle du vent, à l'interférence des possibles. Il suffit de rester, là, au bord de la mer ulysséenne, les pieds dans l'eau, de recevoir, sur les chevilles, ses ondulations de surface, de sentir, sur mes jambes nues, et de sentir la fraîcheur de l'eau, qui remonte, redescend.

Il me suffit de sentir que le silence dans lequel, en moi, je me replonge, commence une lente métamorphose.

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