Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 21 avril 2011

L'∞, 126

Je me rappelle (de mon enfance) certains éclairs de conscience comme s'ils étaient d'hier. Je me souviens d'eux mieux que d'aujourd'hui même. Mais la vision de ce grand coquillage posé à même le sol et disparaissant dans le ciel ne pourra s'effacer devant aucune autre.

Plus nous approchions, plus la chaussée bruissait et se froissait de nos pas. Il faut croire qu'Ulysse connaissait le lieu car il frappa et un homme s'effaça devant lui. Pour lui ouvrir la coquille vide et claire. Devions-nous nous enrouler nous aussi autour du vide en spirale qui le constituait en son centre ? Il s'enroulait en effet, assurément il s'enroulait sur une spirale évidée en son centre, j'ignorais que cela fut possible, autour d'une colonne vide, qui allait, je suppose, de l'Enfer jusqu'au Ciel, peut-être au-delà, une spirale autour du vide, soulignée simplement d'un escalier régulier et lent, et pour que nous puissions poursuivre notre ascension autant qu'il le faudrait, une simple cordelette de chanvre ponctuait son enroulement de clous brillants de laiton, autant qu'il en fallait pour soutenir la main, aussi longtemps que cette ascension serait hésitante et légère, imprécise et interrogative, le long de cette colonne de vide pointée vers le ciel.

J'eus à peine le temps de remarquer cela que, derrière moi, une vague énorme referma avec fracas les lourds battants de la porte et des clous de cuivre, agencés en un savant mécanisme, la scellèrent derrière nous sans appel.

Alors nous commençâmes l'ascension patiente, et tout ce que je vis, je ne le vis qu'autour d'une colonne de vide, sans jamais arrêter de marcher, un pas puis l'autre, sans marquer une seule pause le temps infini que dura cette ascension, dans l'ombre intermittente d'Ulysse, qui, selon l'angle qui nous séparait, m'apparaissait ou disparaissait. Mon regard glissait la plupart du temps sur les parois lisses et non pas crayeuses, je les aurais dites nacrées. Il ne me semble pas me tromper. Je vis,au-dessus d'une encoche dans la paroi, mais tout cela demeura très fugace, un visage sculpté aussi rongé par le temps et les éléments que s'il avait été exposé aux déchaînements de la tempête. Et je ne saurais dire si les déchaînements de la houle entraient aussi dans ce vide et, parfois, le remplissaient. L'hypothèse paraissait hasardeuse, autant que notre présence ici.

La corde de chanvre ponctuait toujours, d'un clou de laiton impassible à l'autre, notre ascension silencieuse. Et parfois, une fente minuscule par laquelle passait la lumière du jour me donnait à voir le vide, extérieur aussi bien qu'intérieur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire