Il était donc tout aussi absurde de partir que de rester. Nous en étions arrivés à ce point. Il faut bien prendre la mesure de notre situation. C'est-à-dire qu'il était absurde de rester, nous ne pouvions évidemment pas demeurer là, sans fin, dans ce minuscule espace, circulaire, clos et ouvert tout à la fois, lui-même absurde, et qu'il était absurde de partir, partir pour aller où, pour retourner où, pour fuir où et chercher refuge où ? D'un certain point de vue, la seule chose qui aurait eu du sens aurait pu être l'oubli, dont la grâce, à ce moment précis, ne nous fut pas donnée. Si, ici et maintenant, nous n'avons pas gagné ses rives, alors sans doute, il ne nous serait donné que trop tard, trop loin dans le monde. Il fallait en tirer les conclusions, en essayant autant que faire se peut, dans ce dédale marin, de respecter les liens des propositions entre elles, et abandonner la seule stratégie cohérente pour apprendre à jouer des paradoxes.
Jouer des paradoxes, entendons : les déjouer.
Séparer, distinguer, affiner ne suffiront plus. On peut toujours, n'importe où, tracer une ligne et décider que les choses qui sont placées à sa droite sont telles, et que les choses qui sont placées après elle sont telles. On peut toujours. Et même lui donner du sens. Faire en sorte qu'elle ait du sens. Qu'elle ne soit pas absurde. On peut faire en sorte que ce qui est arbitraire assume une fonction bien pratique en vérité. Mettez-vous là et ne bougez pas. N'avancez pas. Reculez. Encore un peu. Encore. Encore un peu. Voilà c'est bon. Ne bougez plus. Attendez-moi là. Surtout ne bougez plus, hein ? Attendez que je revienne. J'en ai pour un instant. Je vous dirai quand vous pourrez avancer.
Et voilà, ça recommence : vous vous retrouvez collé contre un mur, à ne pas bouger, en attendant que votre tour vienne. Finisse par venir. C'est lent. Mais vous ne bougez pas. Est-ce que ça va finir un jour ? Mais quand même, vous ne bougez pas. C'est ce qu'on vous a appris.
Il vient toujours un moment où ça ne fonctionne plus.
Il vaut mieux dénouer les lignes, dénouer les paradoxes, retrouver la fluence des choses, et celle du langage. Non, ce n'est pas cela. Pas exactement. C'est tout un. Rendre les choses de ce monde fluides en les faisant simplement glisser dans le langage. Il n'est pas nécessaire de faire un éclat ou de se jeter dans le vide. Alors elles deviendront fluides. Le monde n'est pas si hostile, après tout, il est seulement silencieux. Sa temporalité est un peu chaotique, et pas toujours très convaincante. Mais on doit pouvoir arranger cela.
Il suffit d'écouter la cadence. Et la musique se recomposera autour des silences.
vendredi 29 avril 2011
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