Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 17 avril 2011

L'∞, 117

Le sable sous tes pieds.

Des éclats de roche si finement fracassés par les vagues qu'ils se fixent sur la peau. La tienne, la mienne. Je n'imaginerais pas Ulysse sans ces traces. On les glane entre deux mondes, au passage, quand on sort de l'un pour aller dans l'autre. Quand on erre à leur frontière de sable et d'écume. J'aime ces traces qui au retour me confirment que la journée ne fut pas un rêve. J'ai laissé des traces sur la plage, et la plage, en retour, en a laissées que moi, entre mes phalanges, dans mes cheveux, j'aime ces traces autant que tu les détestes.

Je cherche Ithaque, j'en ai perdu le nom quelque part sur cette plage infinie, que déjà j'ai souvent parcourue, et tu ne cesses de protester, avec autant de ténacité qu'il en faut à Ulysse pour continuer de chercher Ithaque.

Le regard se noie de lumière, au contact du métal liquide des vagues qui soulignent les courbes de côte. En parallèle, l'horizon, les vagues par myriades, la bordure argentique, qui se fixe le plus sûrement dans ma mémoire, la fine langue de sable, aveuglante parfois, et la forêt de pins que les chenilles processionnaires s'apprêtent à dévorer. Sur la plage, interrompant l'immense, des bunkers s'effondrent dans l'eau. Ou plutôt basculent. Je voudrais qu'ils n'y soient plus, et qu'ils cessent de rompre ces parallèles infinies qui se termineront dans un village de pêcheurs.

Et tu protestes. Il n'y a que cela. Les stances de tes protestations. Ce refrain entre tes lèvres qui interrompt mon monologue intérieur.

Qui couvre le roulement de l'océan. Mon oreille est plus sensible encore à ta voix. Tu expliques avec obstination à quel point extrême tu détestes cela, je devrais le savoir pourtant, mais je ne vois pas par quel procédé magique t'éviter cela sur une plage de sable immense, le sable sous tes pieds et par son insertion dans ton monde, ou par celle de ta voix dans le mien, il s'ensuit que toute ma rêverie d'Ithaque est fragmentée, morcelée, hachurée de tes protestations. Je ne parviens même plus à me rattacher à ses sonorités. Celles qu'hier encore j'écoutais dans la voix d'Ulysse.

Si Ithaque est dans mon enfance, c'est à désespérer, je ne la retrouverai jamais, et toi qui y es, qui l'ignores, vas-tu comme moi la perdre ? Cette fuite inversée se répétera-t-elle ? Tu fuis pour retrouver ce dont, le fuyant, tu te rapproches ? Tu cherches à reculons dans l'espace et dans le temps ce qui t'échappe un peu plus à chacun des mouvements que tu tentes et qui se retourne contre toi aussi sûrement qu'un éclat de rire ... Si Ithaque est au terme de ce long désespoir, je ne comprends plus Ulysse.

Tu insistes.

1 commentaire:

  1. Beau, Magnifique. Résonne très fort, dans tous les mots qui se mêlent aux émotions. Maîtrise d'une esthétique complexe. Merci.

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