Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 22 avril 2011

L'∞, 127

Il faut imaginer une ascension à l'intérieur lisse et vide d'un très ancien coquillage, posé au milieu d'une langue de sable incertaine et provisoire, parfois disparaissant, parfois réapparaissant, sans que je sois en mesure de prévoir ses mouvements, non plus que ceux des eaux qui l'entourent. Instance du provisoire. Ce lieu est capable de se noyer dans ma mémoire et de m'entraîner à sa suite.

Anamnèse.

Ulysse remonte le temps et la coquille vide de ma mémoire, tout ensemble, et qui sait ce que nous retrouverons lorsque cet entrelac de nous et du vide, du vide et de nous, sera entièrement tressé ? Pour le moment, qui dure infiniment, il suffit de suivre la spirale de l'escalier, un pas après un autre. Anamnèse. Si Ithaque est dans le passé, alors il a peut-être quelque chose à espérer de nouveau (je préfère ne pas y penser). Si Ithaque est, comme je le suppose, dans le passé, que faudra-t-il accepter lorsque nous aurons entièrement enroulé cette spirale indifférente ? Je préfère ne pas y penser.

La cordelette de chanvre ponctue nos pas. Ulysse indique de son ombre opaque chacune des ouvertures dans la paroi, fente prudente sur l'univers, par lesquelles on peut seulement voir le vide grandir, s'agrandir constamment, s'élargir, et le vent s'infiltre jusque là, jusque dans mes os. Aucun vêtement de laine n'y suffit. Le vent comme un scalpel pose son métal froid sur la peau qui semble sans défense alors. Aussi nue que sont les âmes quand elles retournent sur leurs pas et revisitent le passé ithaquien.

Ponctuation : la cordelette de chanvre que ma main ne lâche pas. Anamnèse. Le souffle commence à manquer. Alors nous montons en silence. Sur nos pas, des hypothèses différentes pèsent. Mais je remarque que plus nous avançons, plus silencieux ils se font, eux aussi. Il faut dire que cette coquille immense et vide amplifie tous les bruits à l'infini et oblige, ainsi, à la plus grande concentration.

Je suppose qu'il faudra nous jeter violemment du sommet de ce vide, dès que nous l'aurons atteint, je n'y pense pas, mais tout, dans ce lieu vide et calme, le laisse supposer, pendant que toujours en silence nous nous enroulons l'un et l'autre dans la spirale indifférente de cette coquille pâle.

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