Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 16 avril 2011

L'∞, 116

Tu cherches Ithaque et je la fuis, nous ne sommes pas à égalité. L'énergie qu'il me faut dépenser pour fuir, contrer, éviter, est incomparable à celle que tu dépenses, toi, aussi immense soit-elle, à l'intérieur de l'attraction d'Ithaque. Mon Ithaque négative ne fait qu'épuiser davantage mes forces dans des efforts absurdes et stériles. Ils ne donneront rien, j'en suis sûre, ils ne porteront rien à son achèvement, aucun accomplissement ne viendra d'eux, je le sens, ce creux se dessinait dès leurs premiers mouvements, dès leurs premiers frémissements, ils portaient en eux leur propre négation et je n'y pouvais rien, je pourrai faire autant d'efforts que je le veux, qu'il est en mes possibles, je pourrais tout au plus éviter la destruction de mes possibles. Rien de plus, et dire que tous mes efforts ne tendent qu'à cela...

Tends-moi la main, Ulysse, l'attraction d'Ithaque te porte et je n'ai pas cette certitude en moi.

Je revois, autour de moi, l'écume artificielle que créaient mes mouvements, au moment où je coulais. L'eau était étale mais je me suis tellement débattue que de l'écume, autour de moi, s'est créée et j'ai compris alors que je me noyais. Que le mouvement avait commencé.

Envoie-moi une corde, fais-moi signe, Ulysse, je n'y peux rien, mon Ithaque est absence d'Ithaque, mon attente est attente au creux de la négation, je sens en moi le vide de ce que je ne suis pas gagner sur le crépuscule même et la nuit dont les froissements autrefois m'ont fait peur me recouvre et m'indiffère. Je ne me reconnais plus dans mon absence au monde. Je ne reconnais plus mon silence dans la nuit, et l'absence de mes rêves me ronge plus sûrement que la rouille n'attaque quelque armature de métal pauvre et ferreux. Ithque te tient, comme une corde lancée à travers ton vertige, Ithaque tend pour toi un passage que tu emprunteras, il ne peut pas en être autrement, mon Ithaque est absence d'Ithaque, et quand je me dis ton nom, il ne s'échappe de mes lèvres que le silence de l'oubli.

Je me heurte sur cette absence plus sûrement que sur un rocher coupant. Tends-moi la main, Ulysse, et murmure-moi le nom d'Ithaque.

Je l'écouterai. J'écouterai ta voix me dire inlassablement le nom d'Ithaque. Je retiendrai, pour l'entendre, et mon souffle et ma respiration, pour sentir dans ta voix l'attraction d'Ithaque, et deviner en elle et le regret et l'attente d'Ithaque. Parle-m'en, simplement pour que l'attraction d'Ithaque s'exerce aussi sur moi, comme une lune pleine et brillante au-dessus de l'océan.

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