Allongée sur la pierre chaude, je ne bouge pas. J'ai trouvé un interstice à la surface du monde qui me convient pour l'instant. Allongée, là, sur la pierre chaude, je ne bouge pas, le soleil brûle ma peau, et le sel commence à se déposer sur mes lèvres, ça commence à aller mieux, on pourrait dire que ça commence à aller mieux. Allongée sur la pierre chaude, je reçois la chaleur de la pierre, qui infuse dans mes veines, se diffuse, il me semble que je reviens des enfers, que j'ai croisé Eurydice redescendant dans les profondeurs auxquelles elle avait cru échapper, que j'ai entendu Orphée pleurer son désespoir, Orphée se lamenter, et maintenant ils s'éloignent, tous ils s'éloignent, s'effacent dans mes souvenirs, disparaissent de ma mémoire, je les ai croisés mais nos mains ne se sont pas entrecroisées, et nos regards se sont évités, je n'ai pas voulu croiser son regard, et maintenant je suis allongée sur la pierre chaude et parfois des éclaboussures me proviennent de la mer, aussi fraîches que le pierre est tiède, et je les laisse sur ma peau, je ne bouge pas, j'attends seulement que le soleil efface cette impression, qu'il reprenne le dessus, je ne bouge pas de ce rayon de soleil, de cette pierre chaude, de la mer tout près.
Il suffit que je tourne la tête, et mon regard est noyé de mer.
Elle ne bouge presque pas. Moi non plus. Deux filles discutent, assises près de ma tête, je sens, par bouffée, l'odeur de leur parfum, envoyer, ne pas envoyer, un sms à l'amoureux de celle qui a la voix la plus aigüe, envoyer ne pas envoyer, répondre ne pas répondre, à la régularité entre elles des insultes, je comprends que c'est une sorte de marque de tendresse, je détesterais qu'on me la donne, dire ne pas dire, enfin, si seulement il était son amoureux, le jeu est un peu triste, le jeu est un peu brutal, la stratégie est sans élégance, on a un peu perdu, semble-t-il, depuis Marivaux.
Là, au point où j'en suis de leurs hésitations, allongée comme je suis, sur la pierre chaude, juste au niveau de la mer, j'ai envie de leur donner la solution, elles n'avanceront pas sur un problème aussi simple, ça ne peut pas durer trop longtemps, il ne m'amuse pas, - N'envoie rien, idiote, mais il faudrait pour cela reconnaître que chacune de leurs paroles, que chacun de leurs gloussements sont les unes et les autres entrés dans mon oreille, ont traversé mes pensées, — N'envoie donc rien, idiote, tu n'as toujours pas compris ? tu ne comprendras jamais ?, et à ce moment-là j'entends l'autre fille lui souffler — Attends quatorze heures, et tu lui envoies.
Je rajoute un s à idiote et tente de me concentrer sur les bruits du port.
Il me suffirait que ma conscience se dilue dans l'eau saline, je n'en demanderais pas plus, il suffirait que le soleil me brûle encore un peu, que le sel se dépose encore un peu sur mes lèvres, je ne demande rien, pas grand chose, le goût du sel sur mes lèvres suffit à mes baisers.
mercredi 6 avril 2011
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