Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 14 avril 2011

L'∞, 112

Il demeure dans ma mémoire des bribes de dialogues. Et voilà qu'à présent elles me reviennent en tête. Et qu'elles se mettent à tourner, à s'enrouler sur elles-mêmes comme les nuages floconneux que forme patiemment le pollen sur ces places du midi que j'abhorre et que je n'abhorre pas. Je comprends de mieux en mieux, au fur et à mesure que je m'en eloigne et que je m'en rapproche, l'angoisse qui saisissait Soutine devant ces platanes lépreux et torturants du Sud. Décidément, voilà qu'elle résonne dans mes phrases et qu'elles commencent à rendre un son creux, étrangement creux. Comme cette petite sphère s'angoisse qui me heurte là, à son tour, en pleine conscience palpitante et vibrante. C'est bien visé, je dois l'admettre. Il serait difficile de ne pas le reconnaitre.

- Ça va ?
- Ça va, et toi ? (À dire très vite, sans sourciller, il faut, pour bien le dire, être parfaitement prêt, cela demande des années de préparation pour réussir à passer avec aisance le choc de cette question, il faut apprendre à détourner le coup sans laisser apparaitre la moindre faille, et donc pour cela, passer très vite à autre chose).
- Ça va ! Très bien ! Dis donc, tu as vu (et ici enchaîner, enchaîner très vite, avec n'importe quoi, le dernier Wim Wenders, une vague connaissance qui vient de se marier, un scandale politique, parce que ce qui importe n'est en aucune façon le sujet mais la technique qu'on maitrisera dans l'acrobatie, c'est la seule chose qui compte, c'est là tout ce qui importe).

L'enchaînement peut bien être acrobatique. Ce qui importe, c'est de lui donner cette structure en miroir. Pour détourner le coup, le retourner contre l'adversaire, et profiter de ce qu'il est destabilisé pour porter son attention ailleurs sans qu'il y prenne plus garde

Esquive. Ça y est, on est passé à autre chose. N'approchez pas du cercle intime de ma conscience, que je trace autour de moi à la craie blanche de mes rêves friables. Celle-là même qui ailleurs, s'infiltre dans les yeux, se colle sur leurs orbites nues, les fait pleurer et en même temps, dessèche les lèvres, si seulement on essaie d'articuler un pauvre son, aussi timide soit-il, provoquant, sans manifester le moindre tressaillement de pitié, dans la gorge, quelque lacération fine. Comme une déchirure tenace. Cette craie-là, je l'ai utilisée en cercle tout autour de moi. N'approchez pas. Il vaudrait mieux, pour vous, ne plus tenter de passer ce cercle dans lequel seule la présence d'Ulysse ne provoque pas la colère d'Hermès ni la mienne.

- Ça va ?
- N'approche pas.

1 commentaire:

  1. Bon, bien j'aime, je vais tout faire pour venir de nouveau ; je ne sais pas trop comment je suis arrivé ici d'ailleurs.

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