Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 6 mars 2011

L'∞, 50

Qui alors me dira les raisons méprisables pour lesquelles, tant de fois, j'ai constaté en y trébuchant, en étant incapable de n'y pas perdre le fil de ma course, les imperfections et les crevasses de ce sol composé des déchets du monde industriel alentour ? Les concrétions en sont incertaines, que quelque procédé d'agglomération imparfaite a rendues instables et hésitantes. Le gel les disloque, l'eau s'y installe, et rien ne porte dans ce lieu. la marche est rendue malaisée, il est presque impossible de contourner d'un pas assuré la masse géométrique et redondante du bâtiment, elle ne s'évite pas sans trébucher par à coup, comme dans les cauchemars minuscules de l'endormissement, où le lit, soudain, paraît un sol rugueux, impropre au repos aussi bien qu'à la marche, devenu ruelle dans laquelle la marche s'arrête brusquement par l'aspérité épineuse d'un pavé acéré, et le déséquilibre nous renverse, nous qui sommes immobiles…

Il est parfois difficile de distinguer les jours finissant des cauchemars récurrents, recommençant.

Ici il est presque impossible de passer, à la nuit tombée, sans perdre pied dans quelque flaque stagnante, étroite anfractuosité dans laquelle les pluies oubliée trouvent encore refuge, des jours plus tard … tout cela devient immonde et mesquin, au point, j'en suis sûre, qu'aucune vie ne se déploie jamais, même éphémère, dans ces lieux. Comment alors ne pas détester ce retour dans la nuit ? Détail accablant, de la marche hésitante, les chaussures peu à peu, comment faire autrement ?, s'imprègnent des stagnations de ce monde, l'eau sale traverse le cuir et se fait sentir, présence insidieuse, par le froid qui remonte, du sol, le long du corps, comme une longue fatigue du jour, et soudain on se souvient qu'on est parti au matin dans les accélérations des transports, dans les bousculades des gares, voix impersonnelles appelant sur des quais, renvoyant à d'autres lieux, dans les horaires, fixes et irritants, incroyablement matinaux, qui empêchent de dormir toute la nuit précédente, qui toute la nuit précédente ont irrité les rêves et empêché le sommeil, et qui permettront seulement un lever triste de soleil sur des champs aux parallèles sombres dans la terre lourde ?

Alors la nuit qui tombe entrave la marche.

Le chemin qu'on empruntera, pour éviter les néons absurdes de ce monde, les affiches politiques défraîchies, et les images de la lassitude désabusée, se serre étroitement entre la voie ferrée, absurdement unique, et un mur de pierre qu'un esprit désespéré sans doute a peint d'argent lunaire. Au point que cela est triste à pleurer et que le pont rouillé, quand il se suspend au dessus des voies, au point où nous en sommes, ne surprend plus personne. Le monde est devenu conforme aux cauchemars lents de notre désespoir.

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