Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 7 mars 2011

L'∞, 53

Contournement. Stratégie du. La stratégie du contournement est un dérisoire épisode de nos existences défaites, effilochées, en quelque sorte, qui, s'il faut être clair, malheureusement, dure tout le long du temps de nos existences effilochées, et en elles, tout continue ainsi de se défaire et de se déliter, je ne vois pas comment arrêter cette étymologique catastrophe, ce qui est tenu se défait et il ne tient plus debout que ce qui est défait. Alors je passe de nuit dans l'ombre épaisse et lourde de ce bâtiment immuable et effrité.

C'est dans le contournement prudent, la ponctuation des entorses ne cesse donc pas, contournement de ses angles acérés qu'il faut parvenir à trouver quelque angle d'attaque pour respirer, quelque infime possibilité de reprendre souffle. Et je ne vois pas quel angle suffisamment aiguisé, ni quel aiguisement suffisamment anguleux, viendrait à la représentation de mon esprit obtus, qui cesse si vite de concevoir, pour apporter, à cette question angoissée, la moindre possibilité de réponse. Balbutiante. Hésitante. Incertaine. Dérisoire. Nos questions sont béantes, dans le silence de la nuit, et tout de nous est aveugle à cette géométrie cinglante des angles.

Je me souviens. Un bruit mat. Mon front dérisoirement nu, et contre lui, le choc net et mat. C'était beaucoup plus simple et beaucoup moins douloureux que tout ce que j'aurais pu imaginer. Un bruit mat. Presque inaudible. Presque rien. Après, ce fut soudain beaucoup plus calme. Tout fut soudain étonnamment calme. Étonnamment lointain. Le temps et l'espace, formes pures de la sensibilité, défaites toutes deux, sous l'effet d'un choc mat contre mon front, avaient volé en éclats, il n'en restait plus rien.

Je tente de penser à autre chose, stratégie dérisoire du contournement, détour à l'intérieur du détour, dans ce passage, en parallèles : mur de pierres, chemin caillouteux, grillage, voie ferrée, pour une simple raison, presque nue tant elle est dépouillée, j'ai terriblement peur. La peur en devient enfantine tant elle est nue. J'ai seulement terriblement peur. Je ne sais pas de quoi. Je ne sais pas pourquoi. J'ai seulement peur. Il n'y a plus que cela qui guide mes pas dans le noir. Un pas puis l'autre. En fait, c'est impossible de passer par là. Ce devrait être impossible. C'est résolument, décidément impossible. Et toutes les semaines, plusieurs fois par semaine, à date fixe, à heure fixe, je dois passer par là. Et c'est tout simplement impossible. Je n'en sors plus. Je tourne en rond dans ce paradoxe.

Si c'est l'∞ qui nous est alloué, il est pire que toute finitude.

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