« Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. » Vases Communicants
Traces…
Nos pas sur le sable sec croisent ceux de tant d’autres. À droite, les empreintes lourdes de chaussures à crampons. Devant, la course aérienne d’un chien s’ébrouant follement. À gauche, les pattes frêles d’une mouette en quête de nourriture. Je ne me lasse pas de ces étranges trajectoires, pistes entrelacées qui nous rapprochent insensiblement du rivage. De ton côté, tu cherches les coquillages, te baisses lorsque tu en trouves un à ton goût, le caches bien au creux de ta paume comme le plus précieux des objets… Concentrée, les sourcils froncés, tu t’adonnes entièrement à ta tâche, la quête n’est pas aisée, le choix s’avère délicat. Combien ton poing serré peut-il en contenir ? Quatre ? Cinq ? À peine… Vent frais contre ta joue rosée. Le duvet fin et doré de ta nuque se soulève avec grâce, hésitation entre ciel et épaules, immobilité furtive et miraculeuse, puis le scintillement reprend, vent et soleil jouent à te chatouiller.
Je reste un pas derrière toi. La courbe ronde de ta joue se dessine dans la lumière, battements de tes grands cils pour chasser le sable en suspension. Au loin, la musique du manège hachée par le vent… Au loin, les cris des enfants qui jouent au ballon… Au loin, les rires d’une bande d’adolescents venus déjeuner devant la mer… Tout d’un coup tu t’agenouilles, intriguée par un détail. Rien peut-être, une poussière, un miroitement particulier. Tes petits doigts cherchent, creusent et découvrent. Fièrement, tu brandis devant toi une minuscule coquille blanche, lisse, translucide. Un nacre délicieux, juvénile et irisé. Les mains pleines à présent, tu avances à pas pressés vers le rivage, tu cours presque, puis soudain, tu t’arrêtes, tes semelles dans l’eau. Un immense sourire sur le visage. Je voudrais te dire de reculer, que tes chaussures sont mouillées, que tu vas attraper froid et que ce n’est pas la bonne saison pour se baigner, mais les mots restent coincés au creux de ma gorge, certitude vibrante qu’ils seraient déplacés. Les vagues venant se briser sur tes chaussures, elles-mêmes, ne semblent pas te déranger. Tu te mets à parler, voix douce et chantante. Je ne comprends pas. Tu parles, sans que je ne puisse en percevoir le destinataire, tes mots s’enchainent, fluides en une envoûtante mélopée. Et peu importe s’il elle n’a aucun sens pour l’adulte que je suis, elle ne m’est pas adressée. Tes bras s’agitent un peu puis se calment, ta voix devient plus grave et apaisée… Avec une infinie délicatesse - une délicatesse que je ne croyais pas possible pour une enfant de ton âge - un à un, solennelle, tu jettes à la mer les merveilleux coquillages que tu avais si chèrement glanés.
Fascinée, retenant inconsciemment mon souffle, je te regarde faire, témoin privilégié de je ne sais quel rituel précieux effacé de ma mémoire, inondée par la beauté éblouissante de ce que tu accomplis.
Texte et photo de : Louise Imagine
Vous pouvez retrouver mon texte pour les Vases communicants ici
Liste des autres participants aux Vases Communicants de mars 2011 :
Candice Nguyen et Christine Jeanney
Sam Dixneuf et Stéphane Bataillon
Juliette Mezenc et Christophe Grossi
François Bon et Guillaume Vissac
Michel Brosseau et Jean-Marc Undriener
Estelle Javid-Ogier et Jean Prod'hom
Cécile Portier et Christophe Sanchez
Clara Lamireau et Urbain trop urbain
Anita Navarette-Barbel et Arnaud Maïsetti
Nolwen Euzen et Benoit Vincent
Maryse Hache et Michèle Dujardin
Anne Savelli et Franck Queyraud
Dominique Hasselmann et Dominique Autrou
Marlène Tissot et Vincent Motard-Avargues
Kouki Rossi et Brigitte Célérier
Rien ne ressemble plus à une plage qu'une plage, mais là, il me semble le ciel, le sable et les traces de voitures, il me semble trouver quelque chose du Cotentin (on aime projeter voyez)
RépondreSupprimerPCH
on ose à peine mettre des mots pour ne pas froisser cette délicatesse
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