J'inspire. L'air marin entre en moi. Un souffle soulève les habitudes, défait les ankyloses, ainsi donc il serait possible, par une relation subreptice à un autre monde possible, de se hisser des abstractions froides dans un concret palpitant et féroce ? Si cela est vrai, je veux bien recevoir les éclaboussures des vagues, et plus encore.
J'expire. Le souffle me quitte et la vie avec. D'un seul coup la gravité du monde me reprend. Je n'y peux rien : on dirait que tout est pesant, empesé, tout cela est poisseux, et peu à peu la matière se solidifie, plus j'attends, moins les mouvements deviennent possibles.
J'inspire. Il faut garder espoir. Il faut conserver là les palpitations de l'espoir. Vibrantes et réverbérantes. Quelque chose comme un cristal qui produirait quelque mécanisme invraisemblable qu'on dira piezzo-électricité. J'inspire et je tente à chaque nouvelle inspiration de renouveler l'exploit suprême : reprendre pied dans le monde.
J'expire. Je me vide. Quelque chose en moi se creuse. N'importe où, dans ma poitrine, comme un manquement. Comme un vide. Je ne sais pas ce qui est absent qui devrait ne pas l'être. Mais quelque chose manque, qui devrait ne pas manquer. On ne peut pas vraiment éviter d'y penser. Je ne suis pas certaine que la volonté, même ∞ment tendue, tendue à son point maximal de tension, puisse supporter cela.
J'inspire. L'air revient la vie reprend. La vie recommence l'air revient. Il suffit de cela, c'est presque rien, quelques échanges gazeux, interférence d'un milieu et d'un autre, chimie organique, de l'un à l'autre, passage, il suffit de cela, ce corporel, pour que la vie, de nouveau, circule.
J'expire. Cela n'arrête pas, du moins pas pour le moment. Alternance. De l'un et de l'autre. Inspiration. L'air entre. Le monde s'ouvre. Puis, par un effet contraire, très exactement, l'être se ressaisit sur lui-même. Et de nouveau trahit ses aspirations les plus lointaines. La ligne d'horizon disparaît dans les pensées.
Césure rupture disjonction, de cela il serait habile de se détourner. Saccade. Je ne sais plus comment arrêter le massacre. Rien ne fonctionne dans ce monde-ci. Staccato. Tout heurte tout est heurté. Ce n'est décidément pas cela, la clef de cette histoire. Saccage. Il faut reprendre son souffle. Les lignes sont fluides et la vie reprendra.
lundi 21 mars 2011
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