Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 20 mars 2011

L'∞, 70

Impact. La coquille vide, retournée à l'eau, par l'impulsion de ma main. Rendue à l'eau. La main, muscles rétractés. Retour (en arrière) du poignet. Les tendons, les veines soudain plus apparents. Cordes tendues à l'intérieur du corps, dont le dessin se fait plus précis. Tracé de la vie et des mouvements possibles, pour un temps. Alors vient la détente. Soudaine. Elle consiste, en même temps, à ouvrir la main, desserrer les doigts, impulsion, et la coquille (vide) décrit une parabole dans l'air du soir. Impact. Retombe à l'eau dont elle n'aurait jamais dû sortir.

Trouble minuscule des cercles concentriques autour du point par lequel elle est entrée dans l'eau.

Est-ce abandonner ? Est-ce là, la solution ? Abandonner. Les tensions intimes de la volonté. Aller son chemin. Simplement cela. Aller son chemin. Ithaque doit bien être au bout, d'une manière ou d'une autre. Il n'y a pas de raison de douter de la possibilité d'Ithaque, au bout, tout au bout d'un entrelacement aussi complexe soit-il de ce chemin qui se dessine et ne dessine pas. Quelque chose pourrait se dessiner, je ne vois rien encore, les cercles concentriques s'éloignent et perdent de la vigueur. Un instant, la coquille, en vibrant, est descendue dans les profondeurs azuréennes et troubles, et puis il n'a plus été possible de la suivre des yeux.

Je ne suis plus sûre de rien, des tensions et des abandons. Tension des muscles et des tendons. Abandon des espoirs au bord de l'eau. Qu'avais-tu en tête, toi, Ulysse, chaque fois qu'une vague t'éloignait de ta presque Ithaque, et que la sentant, la sachant à portée de main, pouvant entendre déjà le bruit de tes pas sur la terre du sentier, tu voyais tout, encore et encore, se perdre dans les lointains ? Je ne connais pas cette impression.

J'ai l'impression seulement d'une chute en arrière. Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde. Mais l'ordre du monde est si fluctuant, regarde cette coquille vibrer dans l'eau crépusculaire, je ne sais pas où elle va, tout change continuellement, je ne parviens pas à changer mes désirs aussi vite qu'elle change de direction, je veux bien n'être que cela, une coquille vide qui tombe au fond de l'eau, mais je ne parviens pas à changer aussi rapidement, prestement mes désirs, mes représentations, pourtant, mon esprit est agile, mais là ça bloque, ça grince, tu entends ? et je fais tout ce que je peux mais je n'y parviens pas.

Il y a une façon très calme d'être complètement désespérée. Je crois que je viens de la trouver.

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