Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 19 mars 2011

L'∞, 69 (merci à A.R.)

Maintenant qu'ils sont passés, tous, déversant leurs flots de bière, et leurs rires pesants, il semble que le monde soit désormais sans plus de grâce. Monde vide qui rend, quand on l'écoute, un bruit creux comme une coquille. Je la ramasse, et la tourne entre mes doigts, sans presque y penser, geste machinal, dans un rayon du soleil, j'ai dans la main une petite coquille vide et imaginaire, qui rend, quand quelque objet la heurte, un petit bruit creux et désolant. À présent qu'ils ont cessé de déverser leurs flots de bières et leurs insultes et leurs rires insultants.

Mon triste cœur bave à la poupe, mon cœur est plein de caporal


Sans presque y penser, geste hypnotique et mécanique, la coquille vide et fragile roule entre mes doigts froids, elle rendra, quand elle retombera sur le sol, quelque chose comme un bruit creux, avant de se briser en éclats. Sans presque y penser, mes doigts roulent sous eux la coquille froide et creuse qui éclatera dans quelques instants sur le sol usé du vieux port. Je ne sais pas comment je l'ai trouvée, là, en y regardant de plus près, on verrait quelques écailles arrachées aux dos des poissons agiles, scintillantes encore, ignorantes qu'elles ne sont plus dans la mer. Je la roule sous la pulpe de mes doigts, presque sans y penser, sans lui accorder mon attention flottante.

Ithyphalliques et pioupiesques leurs insultes l'ont dépravé

Ils sont partis, enfin, emportant avec eux leurs insultes et leurs rires, ils mais ont laissé derrière eux des myriades de bouteilles de bière, vides, et des grappes de CRS un peu désœuvrées, étrangement désœuvrées à présent qu'ils sont partis, qui affectent avec application une indifférence radicale quant à leur tenue d'insectes noirs et surréels. Je préfère me tourner vers les rêveries ultramarines (mais elles ont un parfum de bière, et il me semble que, tous, vous qui peuplez mes rêves, êtes partis au loin et avez fui ces fots). Je ne risque rien d'autres que des moqueries à vous chercher ainsi, je n'en attends rien d'autre. La coquille entre mes doigts silencieusement roule et revient de l'un à l'autre, indifférente à son sort.

À la vesprée ils font des fresques, ithyphalliques et pioupiesques

Les bouteilles de bière font, en tombant parfois, éclatant au sol, un bruit particulier qui ponctue mon attente. Il arrive de temps en temps qu'une bouteille de bière éclate sur le sol de pierres, et répande ainsi, à même le sol devenu luisant et glissant, le liquide effervescent, et le vent m'apporte alors cette odeur, renforcée. L'une d'elle éclate à côté de moi, et finit de se vider dans la mer.

Ô flots, abracadabrantesques, prenez mon cœur, qu'il soit sauvé

Décidément ici, tout le monde paraît indifférent. Monde creux et vide, qui rend un son particulier quand on avance sur lui. Je me fraie un chemin au milieu des troupes d'assaut désœuvrées et des bouteilles à moitié vide. Ce n'était pas exactement ce que je pensais trouver.

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