Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 15 mars 2011

L'∞, 61

Nos âmes sont lourdes. Pesantes comme des sacs de voyage. Ployés sous le poids. Nos pas empesés, ralentis, par la lourdeur de nos âmes, de nos sacs. La poignée scient les doigts. Circulation coupée. La main crispée sur les possessions matérielles. Retient. Ce qu'il est possible (possible : ce qui est vrai dans au moins un monde. Rien n'indique que ce soit le nôtre) d'emporter. L'épaule se crispe. Supporte. Ce qu'il est possible d'emporter. Ce qu'il est possible de supporter.

Il vaut mieux tout laisser là. Assurément.

Quand on se représente, quand on conçoit, une fois, une seule, dans son esprit, fût-elle unique, la possibilité de l'abandon et de la légèreté, quand on se représente, simplement, par jeu, par abstraction (abstraire : 1) séparer) la légèreté possible de nos pas, un pas puis l'autre, dans ceux d'Ulysse, un pas puis l'autre, sans cesse, sans dévier d'une fin possible, dans les méandres du monde. Un pas puis l'autre. Dans ceux d'Ulysse. Il est possible, cela passera, Ulysse, dans la tempête, ne perdait pas Ithaque de vue.

Sénèque l'a dit, qu'il n'est pas de bon vent pour tous. Les bons vents ne se lèvent pas pour chacun d'entre nous, ne soufflent pas pour chacun d'entre nous. C'est une asymétrie, assurément. Qu'il ne puisse être de vent favorable, quel que soit son nom, quelle que soit sa direction, south, east-south pour qui ne connaît son port. Revenir. Les souffles immenses, respirations immenses, nous poussent, nous soulèvent, mais il n'est de vent favorable que pour qui connaît son port, et se rapproche, à chacun de ses pas, même ceux qui l'en éloignent, du port-dont-il-se-répète-le-nom-secrètement.

Il n'est pas question de jouer aux jeux subtils et stériles des paradoxes.

Il n'est de vent favorable pour qui ne connaît son port. La chute d'Icare vient donc de là. Je comprends dans la nuit, sa méprise, et comment tous ses calculs, à partir de là, se sont faussés. Elle s'explique. Il ne pouvait être pour lui de vent favorable, puisqu'il ne cherchait pas son port. Il faut tendre vers Ithaque. Alors, dans cette tension, chaque pas, même celui qui nous en éloigne, sera un pas qui nous en rapproche, un pas de plus vers Ithaque, même si un moment les vents nous sont contraires, la façon qu'ils ont de nous être contraires est encore de nous être favorables.

C'est ce que nous murmure la possibilité d'Ulysse.

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