Rêverie géométrique.
L'asymptote tend (indéfiniment) vers la courbe des abscisses. Elle s'en rapproche. Imperturbablement. Sans aucun espoir de l'atteindre un jour, à un moment t du temps. Elle ne cessera jamais de s'en rapprocher. À aucun moment, et en dépit de cette tension, à aucun moment elle ne l'atteindra. En fait, non, l'inexactitude de cet énoncé porte que l'adverbe lui-même, ce qui, ici, on en conviendra, est bien triste ici : l'asymptote ne finira jamais de se rapprocher de l'axe des abscisses. Tendra vers lui ∞ment. L'écart entre eux se réduira (∞ment). Sans jamais disparaître. Sans jamais s'anéantir. Dans l'axe des abscisses (vers lequel elle tend).
Angoisse (géométrique).
Alors il est possible, admettons, évidemment je ne suis pas une courbe dont la fonction comporte des suites infinies de nombres, je ne ne suis pas un objet mathématique, idéel, mais admettons, que le chemin, lui, suive une asymptote vers la vieille ville. Je n'en finirai jamais de m'éloigner d'ici. L'ombre du bâtiment n'en finira jamais de peser sur moi. Je ne cesserai jamais d'avancer et l'ombre, jamais, ne cessera de me retenir, et la ville ne cessera jamais de se rapprocher mais cela veut dire simplement : jamais elle ne pourra être atteinte.
Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter le désespoir d'une asymptote.
Désespoir approfondi jusqu'au noyau le plus intime de l'être. Il ronge et pénètre au cœur. La tension peut ne jamais cesser. De la courbe vers l'axe des abscisses. De l'être vers son lieu naturel (là où, enfin, il pourrait trouver le repos). Ses fibres peuvent ne pas se déchirer, comme celles, trop tendues d'un élastique, qui aurait atteint le point de non retour. Il est possible, dans le calme des abstractions mathématiques, de dénicher la figure la plus troublante du désespoir.
Il est posé, dès les premiers points de la courbe, dès le premier élan qu'elle a pris sur la feuille, en même temps, (1) qu'∞ment elle se rapprochera de l'axe des abscisses, (2) que jamais elle ne l'atteindra. Son cheminement se poursuivra pour les siècles des siècles, même quand nous aurons cessé de la voir, même quand toutes les feuilles de papiers des écoliers se seront dispersées, et pour les siècles des siècles, (1) elle se rapprochera ∞ment de l'axe des abscisses, mais (2) l'écoulement des siècles des siècles ne fera jamais, ne parviendra jamais à faire en sorte que l'asymptote rejoigne l'axe des abscisses, dans lequel elle se fondrait, elle lequel elle s'anéantirait.
L'espoir, même celui, ténu, de l'anéantissement, ne nous est pas donné.
vendredi 11 mars 2011
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