Attends-moi, Ulysse. Je ne veux pas rester là. Il pleut et ça n'en finit pas. On dirait que la ville se lave de son désespoir. Ça n'en finit plus. Dans les rues, il n'y a plus personne. Quelques silhouettes fuyantes. Tellement rapides que je ne vois que leurs ombres. Attends-moi. Il n'y a presque personne. Attends ! Tu vas trop vite. Ton pas est trop nerveux. Je fais ce que je peux, mais tout en moi est pesant. Je ne sais même plus comment passer les flaques. Ce chemin est en morceaux, partout des flaques immenses se sont formées qui empêchent d'avancer. Je n'y peux rien. Je fais ce que je peux. Attends-moi. Je ne sais pas pourquoi tu vas si vite.
Il est vrai que chaque pas te ramène à Ithaque. Même ceux qui t'en éloignent.
Attends. Tu vas trop vite. Je ne comprends pas pourquoi tu vas si vite. Tu vois bien que je n'arrive pas à suivre. J'ai dû perdre ta trace au détour d'une rue. Elles sont à angles aigus. Même dans la brume du soir, et les éclaboussures de pluie, on s'en apercevrait. La vieille ville est un dédale. Un dédale à angles aigus. Angles droits des bâtiments, aigus des croisements. Je ne sais pas où tu as disparu. Je ne m'y repère pas. Je n'en connais pas tous les noms. C'est un dédale. Et toi tu cherches Ithaque. Attends-moi, Ulysse. J'en ai assez d'être seule. Raconte moi ce lieu d'où tu viens. Ne me laisse pas à ma nuit. Les pavés luisent et l'eau ruisselle dans les rues, et le long des façades et j'entends depuis des heures le bruit des milliers de fois où elle a éclaboussé le monde. Ça n'en finit pas. Ça n'en finit plus.
Je comprends que tu sois pressé. Et que tes pas deviennent impérieux.
Mais tu vois bien, je ne m'en sors pas, de ce déluge, de ce dédale. Toi, tu passes comme tu veux, tu évites tous les écueils, tous tes pas te ramènent à Ithaque. Et moi ? Où retournerai-je ? Mon manteau a des pans trop lourds pour permettre d'avancer dans ce grand vent de tempête, et ils entravent ma marche, mon sac pèse, si tu savais ! Ne me reproche pas le poids de mon âme. Je vais tout déposer dans le calme de la mer ulysséenne. Je vais tenter de tout déposer, de ne rien garder en mon âme, qui pèse et sous quoi me courber. Je ne garderai presque rien dans les mains.
Mais moi, Ulysse, dis-moi, où m'en retournerai-je ?
mardi 15 mars 2011
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