Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 3 décembre 2010

Manuel anti-onirique, VII



Après quoi, ce qui se profilait n'était rien d'autre que la nuit. La nuit immense. Intense.

Sans doute n'était-elle pas tout à fait prête à l'affronter. Elle fixait son pas sur le sien. Il descendait les rues, remontait, tournait, suivait des cheminements complexes. Elle se contentait de très légèrement ralentir son pas. À peine. Il ne fallait pas que la ruse, aussi minimale soit-elle, fût perçue. Elle marquait parfois une légère hésitation. Descendait d'un trottoir un peu plus distraitement, comme si un infime vertige l'avait saisie. Heureusement, il ne remarquait rien. Il y avait peut-être un peu de givre sur le rebord des toits. Presque rien. Leurs souffles dans la nuit se matérialisaient dans l'air glacé.


Scène presque en noir et blanc.


La pierre pâle laisse glisser la trace de leurs ombres. Elles la frôlent. Se faufilent. Deux ombres qui effleurent les façades. Ce qui est étrange est que la structure de la nuit ne les absorbe pas. Elle ne sait plus exactement en quoi elle diffère de ce lieu qui lui devient naturel : la nuit. La course du jour qui ne lui appartient plus l'a repoussée loin de ses rivages. Elle se fond dans la nuit. Peu à peu. Doucement. Ce qui lui importe peu. C'est un mécanisme proche de l'effacement, rien de plus. Le silence l'enveloppe, et ses paroles aussi, il ne cesse pas, pas un instant, pas une seconde de parler, sauf quand il tire sur sa cigarette. 


Alors, quelques instants, il accepte d'être enveloppé de silence, lui aussi, de se laisser très provisoirement happer dans la nuit, et de la rejoindre dans ses rêveries. 


Le reste du temps, il parle. Les paroles instaurent presque une distance entre elle et lui. Une zone de turbulences dans laquelle elle ne passe pas. Elles sont là pour les relier l'un à l'autre, et c'est tout le contraire qui se passe. Il parle. Elle écoute. Et il y a une distance dissymétrique qui s'instaure entre elle et lui. Lui pourrait la rejoindre. Elle, déjà, ne le peut plus. Elle n'y peut rien. Elle voudrait bien bouger, tenter un geste, une parole. Lentement il se met à neiger.


Des étoiles de givre se déposent dans ses cheveux

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