Pratiquer des incises n'y suffira pas.
Les incisions à l'intérieur des parenthèses ne sont que de piètres stratagèmes. Elles rencontrent bien trop vite, de par leur nature même, un point d'arrêt, qu'elles se révèlent bien incapables d'outrepasser. La raison, à coup sûr, est qu'il n'y faut pas beaucoup de souffle, et elles ne demandent pas assez d'ampleur pour déboucher sur autre chose que ce qu'elles ont quitté. À peine aura-t-on commencé à respirer que, sans en être surpris le moins du monde, de nouveau on étouffera. Ce n'est pas ce mouvement suspendu qu'il faut chercher, dans lequel on ne respire que pour recommencer à étouffer, à peine la première inspiration prise, et qui porte en lui, dans son geste même, l'immobilité des statues. Le souffle est resté court. Les espoirs seront déçus, il n'y a pas à en douter, par un juste retour des choses. On pourrait avec quelque raison y soupçonner une cruauté fine, et les espoirs en serviteurs ivres, dans leur ronde, amènent à leur suite, bien moins chancelant qu'eux, un désespoir silencieux. La parenthèse ouverte, dans un claquement sec, se referme.
Puis, ponctuation finale, le point referme tout. Il n'y a plus rien qui puisse être tenté.
Il convient de rechercher une modalité autre que celle de l'incision, certainement aussi pour y dessiner des mouvements bien plus amples que ceux dont, jusqu'alors, notre respiration s'était montrée capable dans le froid de l'hiver. Le moment n'est plus à l'inclusion et, stratégiquement, elle ne serait plus d'aucune pertinence. Tous ceux qui ont tenté ce jeu se sont trouvés bien vite englués dans une matière solide et intraitable, tels des insectes pris dans l'ambre qui auront attendu des millénaires pour révéler quelque secret qu'on leur aura soin de leur arracher dans un laboratoire aseptisé, en même temps que leurs ailes. D'une section microscopique, la main tranche, sous l'œil impassible, les deux ailes de l'animal et les dépose sur une lamelle transparente. Ce n'est pas exactement cela qu'il faut viser.
Quelque chose se craquèle. La géométrie fine d'une goutte d'eau givrée dessine des dentelures que nous ne pouvons pas suivre.
Il faut que sa syntaxe de son passage dans le monde prenne une ampleur suffisante pour que sa voix porte au loin. Le souffle doit venir du creux du ventre. Exercices minuscules. Il ne paraît pas absurde de commencer par ceux du souffle. Imaginer que l'expiration porte au loin. Qu'on parle pour le dernier rang, et qu'il soit vide importe peu, ce n'est pas la question. On parle pour ceux qui ne sont pas là et qui, s'ils étaient là, seraient les derniers à pouvoir entendre notre voix. On ne parle que pour eux, ceux dont il est très peu vraisemblable qu'ils viennent et qui seront les seuls à nous entendre. Reculer un tant soit peu les limites est en soi un triomphe. Pour cela, imaginer que la voix porte, et qu'elle va rebondir contre le mur du fond. Tout au fond. De sorte que cela suffit, la voix et va rebondir là, elle le sent, avec une précision déconcertante et physique, même si elle ignore presque tout des déploiements des sons et même si, pour l'instant, elle est restée silencieuse. Et voilà que les enfermements l'étouffent moins, ce n'est qu'un minuscule triomphe mais il lui semble que depuis qu'elle est sortie de cette pièce, et qu'elle a échappé à la fête glaçante, sa respiration a gagné de l'ampleur.
Un taxi passe, qu'elle arrête.
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