Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 9 décembre 2010

Manuel anti-onirique, XVIII


Inciser.

Il lui faut tracer dans le monde un cheminement qui soit parfaitement droit. Les impasses suffisent, elle en a trop connu. Les demi-tour, les repentirs. On marche, on avance, on cherche un passage, et il vient toujours un matin blême où l'on se heurte, encore dans le sommeil, des bribes en glissent encore dans le regard, à une grille fermée, une porte dont on n'a pas la clef. Cela vient toujours au terme d'une nuit de voyage, nuit blanche, sans sommeil, dans un train ou dans un avion. Enfin, au matin, on arrive, les sacs sont pesants, on a trouvé au fond de sa poche, miraculeusement, le plan qu'on considère comme un sésame, et le portier n'est pas là, ou on n'a pas la clef, ou simplement les choses ont changé en notre absence, et on n'en savait rien.

Elle refuse.

Ce n'est pas encore très précis. Un geste. Une incision. Passer au milieu du monde. Sa première affirmation est une négation. Refuser les détours. refuser les obstacles. Il lui vient des images de mouvements. Un sillage. Simplement cela, laisser un sillage et ne plus se laisser arrêter. C'est invraisemblable que l'on puisse être si seul. Ce doit être cela, la condition humaine. Être seul, passer outre, et tomber, mais un peu plus loin sur sa route, dans un désert blanc. Elle a cette image en tête depuis très longtemps, images étranges sur les couvertures de livres qu'elle n'a jamais lus, qui sont inscrites dans ses gestes les plus lointains. Ce doit être cela qu'il faut accepter pour se sortir de ce mauvais pas. Commencer un mouvement, comme un chef d'orchestre, lever les bras, et que tout soit contenu dans ce seul geste. Dans le commencement du geste, toute la suite, tout le déroulement, tout est contenu tout entier.

Ne jamais abandonner.

La solitude condamne à l'obstination. Traverser la ville inconnue au matin, comprendre les cheminements possibles, dessiner les traits possibles de son inscription dans le monde et alors, affronter la suite de la journée, jusqu'au soir, d'un seul trait de plume, parfaitement rectiligne., que seule une main parfaitement maîtrisée peut dessiner. Un trait de plume, à l'encre noire, celui qui a tracé cette rue, quand elle n'était qu'un faubourg, il y a de cela plusieurs siècles, celui qu'elle tracera à main levée. L'impulsion première est toute entière dans cette première contraction des muscles.
 
Il n'y a pas de différence entre vivre et écrire. C'est une même affirmation obstinée et sans appel.


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