Il s'agit en somme d'une improvisation sur un canevas. Mais on peut avoir des doutes sur les qualités du metteur en scène. C'est un peu légitime. On se trouve plongé dans des circonstances qu'on ne comprend pas, qu'on ne connaît pas, on est immergé dans une part d'inconnu, au fond assez glacée, et on réagit, comme on peut. Il est impossible de revenir sur sa réponse, de corriger l'intonation et de reprendre le cours des choses un peu avant, dans le moment antérieur, suspendu au moment antérieur à celui qui vient de nous dérouter.
Étrangement, on n'éprouve même pas la plus légère angoisse.
Ce qui prouve que la troupe est une troupe d'amateurs, et que la représentation finira mal, si elle toutefois elle va jusqu'à son terme. Si on s'approchait d'elle, par exemple, puisqu'elle est sur scène depuis le début, assise dans ce fauteuil voltaire, et si on se penchait sur elle, on constaterait très peu de changement, presque rien, aucune trace d'activité, rien en tout cas qui vaille la peine d'être signalé. Certes il lui arrive de temps en temps de battre des cils, ou de soupirer, mais ces mouvements pourraient bien n'être que purement physiologiques, et pourrait aussi recevoir une explication sans qu'il soit besoin de faire appel au moindre mouvement de sa présupposée âme. Un pur besoin du corps, la pure nécessité physiologique de respirer, qui ne demande pas de mouvement intérieur de l'âme. Aucune tension, aucune appréhension, même légère, le pouls ne s'accélère, pas le moindre tremblement des mains. On dirait qu'elle ne comprend pas très bien ce qui lui arrive, et qu'elle n'a rien d'autre à faire que de regarder la neige tomber.
Il va bien falloir insérer de nouveau un peu de mouvement.
Pour cela, il y a différents possibles. Les soirées, par exemple, sont des entrecroisements intéressants pour y plonger ce genre de personnage. Évidemment elle les déteste. Ce qui importe au fond assez peu. La question est celle de l'impact du monde et de la possibilité de la coïncidence, seulement cela. Si elle se déplace dans le cadre assez improbable d'une soirée où elle ne connaît presque personne, elle les a seulement croisées de très loin, et si elle se retrouve là, après une nouvelle journée assez insignifiante (il n'est pas nécessaire de la raconter), il sera possible de déterminer ce qu'elle retrouve, précisément d'elle. Quel cristal résiste en elle. Quel noyau dur en fusion continue de faire couler dans ses veines quelque chose qui ressemble parfois à du métal en fusion, quand elle sent dans sa gorge les battements de son cœur.
Il n'y a plus qu'à espérer qu'il y aura quelques impacts, quelques étincelles, même minuscules, et que la vie recommencera à battre. C'est très improbable.
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