Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 13 décembre 2010

Manuel anti-onirique, XXIII



Une légère contraction des mains. Les doigts se séparent autour du pied du verre, et la main caresse et soutient l'arrondi, en y déployant très peu de force, presque rien. Elle prend la coupe de Champagne qu'on lui tend, et la valse lente la met en mouvement elle-aussi. Le Champagne est son sauf-conduit, pour un temps déterminé, elle devrait pouvoir entrer dans la danse. Il convient alors de commencer à passer de l'un à l'autre, de dessiner un sourire sur son visage quand on lui présente quelqu'un, quand on lui dit quelque chose qui doit être drôle, elle a parfaitement appris cela et devine assez bien comment réagir, et, le Champagne, aidant, il est plus facile de réagir comme il convient.  Quelque chose comme la possibilité de la légèreté. Les bulles peu à peu s'impriment dans ses mouvements, il y a comme un léger effet d'emballement au fur et à mesure que la soirée passe, et qu'elle avance dans l'espace.

À présent, la pulsation de la valse sociale est parfaitement régulière.

Il semble que tous soient pris dedans (sauf quelques uns qui sont déjà partis). Quelque chose comme la pulsation d'une musique. Le rythme qu'il faut sans cesse entendre en soi, pour se tenir à lui et être exactement en elle. Le rythme. La pulsation. C'est cela qu'elle écoute. Ce monde glisse et ne retient pas. Les détails qui pourraient la retenir doivent être oubliés. Et pour cela, il y a la pulsation. Détails du monde (à oublier), une assiette au décor ancien, un arum dont l'unique pétale commence très légèrement à jaunir, presque imperceptiblement, dans le bouquet solennel qu'ils forment au centre du buffet, cette jeune fille dont le sourire est triste, et la cour autour des puissants. N'importe quelle société, aussi minuscule soit-elle, génère ses puissants, à croire qu'ils sont nécessaires pour que tous les autres, les courtisans, puissent tourner autour d'eux dans leur valse obséquieuse. Détails du monde sur lesquels on n'insistera pas.

Il reste la pulsation.

Ce qui se perçoit de la musique quand on cesse de l'écouter anecdotiquement. Ce qu'on perçoit, quand nos mouvements se nourrissent d'elle. Ce qui, d'elle, vient en nous. Un battement. Qui pourrait être celui, tout intérieur, des veines et de la pulsation de la vie. Il arrive que les deux coïncident. Elle pense à cela, tout en jouant sa partie dans le tourbillon social. 

Mais de point d'impact, il n'y en a pas.


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