Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 7 décembre 2010

Manuel anti-onirique, XV


Le désordre de son passage s'éparpille dans la chambre. 

Il lui faut ce rituel invraisemblable et déglingué pour se rassurer. Quelque chose comme une résistance de la texture du monde doit bien se mettre en jeu alors, puisqu'il est possible d'y déposer ses objets, ceux sur lesquels ses mains passent tous les jours, ceux que le bout de ses doigts reconnaît parfaitement, un geste minuscule y suffit, et qu'elle serait prête à identifier dans le noir (même si, quand elle tente ce jeu minuscule, il faut bien reconnaître qu'elle perd un peu de ce précieux temps). Alors la pièce se jonche des effets dont elle est la cause. 

 Donc elle existe.

Elle entre dans la pièce, dépose son manteau noir sur le premier fauteuil, n'importe comment, en hâte,  il glisse un peu mais tant qu'il ne tombe pas, elle n'interviendra pas, ele enlève ses bottes là où elle se trouve, puis renverse son sac, à la recherche hâtive d'un fil pour recharger son iPhone, il n'y a que cela qui compte, ensuite il faut chercher autre chose, un peu d'argent, vérifier des horaires de train, au fur et à mesure de son avancée dans la pièce, sa présence se répand comme une poudre, elle éparpille ses effets et ce désordre dont elle est la cause l'enveloppe et la ravit. Il est esthétiquement invraisemblable et tout à fait elle-même. Son parfum est posé en évidence, avec ses clefs et quelque porte-bonheur bien usé.


Elle est certaine, résolument certaine, qu'il laisse sa chambre parfaitement en ordre.


Certes, si elle n'est pas seule, elle est très capable de jouer la scène différemment mais pour l'heure elle est seule et s'en débrouille assez bien, c'est une longue habitude. Parce que dans la solitude de ces chambres d'hôtel, il est possible d'écouter de la musique, n'importe quoi, ce dont elle a envie (elle est sûre qu'il dort, et qu'il ne fait aucun bruit, silence désapprobateur), Drumming, de Reich fera parfaitement l'affaire parce que l'heure est à la répétition, à la répétion calme et obsessionnelle, sans qu'aucune limite dans le temps ne s'y vienne opposer, Drumming, en fumant des cigarettes, en regardant la neige tomber dans la nuit.

La neige a tout assourdi, tout autour, le silence est enveloppant, il n'y aurait plus qu'à dormir au fond de cette solitude.

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