Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 6 octobre 2010

Carnets lointains, 6 (fou rire)


C'était invraisemblable et foudroyant ! 

Et il n'y avait aucune raison, aucun moyen d'y résister. Les larmes qui, un instant auparavant, coulaient de désespoir le long de mes joues (le monde avait perdu à mes yeux toute orientation possible, l'avenir s'effondrait sous mes pas, se dérobait alors même que je tenais son possible, que ma main tendue le saisissait) les larmes ont continué à couler, mais elles étaient devenues, par une mystérieuse trans-substantiation, les larmes d'un vrai fou-rire !

Je me suis relevée, autant pour respirer mieux que pour reprendre ma course. Je pouvais quitter enfin l'espace suspendu de cet arbre. Il faisait doux, l'air était chargé de pollens et de légèreté, et nous n'arrivions plus à parler tant nous riions de la situation. Il n'y avait que cela à faire, rire, oublier, retrouver la course du monde, se moquer de tout, reprendre souffle dans le souffle de l'autre ! C'était la seule chose à faire, la chose la plus douce, la plus drôle, la plus absurde, que de sentir cette valse et ce rire qui emportaient mes pas et me ramenaient au monde, dans un éclat de rire et le vertige de la vie. C'était absurde et foudroyant, c'était délicieux et enivrant, et toutes les images de ce charnier se sont effacées d'un seul coup.

Ma robe était couverte de brins de mousse, et de débris végétaux. Je me suis relevée,  je l'ai époussetée. Tous les débris morts qui agrippaient l'étoffe douce sont tombés de moi, se sont éparpillés  autour de moi dans le passé, sont retombées dans un rayon de soleil qui caressait mes épaules. J'ai tiré sur l'ourlet que je trouvais trop court, il était décidément trop court, et nous souriions silencieusement, toujours, dans les minutes qui défilaient sans que nous y prêtions la moindre attention, quelque chose n'existait plus, quelque chose de la pesanteur du monde, de la lourdeur du passé avait disparu et avait emporté les images obsessionnelles de ce charnier hors de ma mémoire, hors de mes cauchemars. Quelque chose me ramenait dans le jour et la lumière.

Une voix m'emportait hors de mes cauchemars et je me laissais faire dans un éclat de rire. Nous avions tellement envie de tout effacer, de tout reprendre, de jouer sur une note nouvelle une autre scène, encore une autre, suspendus l'un à l'autre dans cet éclat de lumière et de rire. Je ne sais même plus pourquoi nous riions. J'avais dû poser une question venue du fond d'un cauchemar, et qui était retombée sur le sol, à mes pieds, en mille morceaux. 

Et nous célébrions ainsi la déconfiture des cauchemars.

J'ai traversé le parc dans la légèreté de cette note, remonté les rues tracées finement dans l'espace géométrique d'un cerveau aristocratique. Il restait à grignoter un sandwich, assise au soleil sur un balcon, en abandonnant les miettes aux oiseaux, et en laissant la douceur de vivre me reprendre toute entière.

1 commentaire:

  1. Rien de tel qu'un bon fou-rire pour nous arracher au monde... (Joli, encore, y en a marre maintenant ^^)

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