Les profondeurs des rêves portent mieux que la banalité des jours.
Là, dans ces strates profondes de la conscience, errent des bribes de phrases qui passent comme des courants et un moment, elles m'entraînent, comme tout rêveur, à leur suite enivrante. Il n'est pas envisageable de leur échapper, il n'est possible que de s'enfoncer un peu plus loin à leur suite, sans craindre les profondeurs, et de traverser de nouvelles strates d'éloignement, de nouvelles perspectives dans la distance, c'étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde… quand j'y repense, dans la lumière crue des jours ou dans la lumière des néons (elle me ramène à la conscience à peine pointe-t-elle), je comprends qu'il n'est venu à mon esprit, dans l'épaisseur de la nuit que ce seul fragment… de très grands vents… il suffit alors de ces quelques mots, même si sans doute le reste de la phrase passe aussi, en quelque façon atténuée, même si l'ensemble de la phrase toute entière est présent cependant, comme un sillage puissant, j'en ai la certitude, ces quelques mots m'entraînent très loin de ma conscience diurne et quotidienne, dans des lieux qu'au réveil je ne pourrai même pas évoquer.
Ce qui est étonnant est la force de ces syntagmes fragmentés.
Parfois, il me manque certaines inflexions des phrases, je ne les retrouve nulle part, et je constate alors avec étonnement qu'elles conservent toute leur force intacte ; les silences que j'y ai instillés par le défaut de mes souvenirs ne les affaiblissent nullement ; à l'inverse elles en portent une part de mystère qui en est plus intense encore, et les vents alizés inclinaient leurs antennes aux bords… et plus loin, je m'en souviens, il y a les mondes occidentaux. Je crois, je me le représente vaguement, que ce sont les bords de ces mondes. Mais il me manque un adjectif, incliné revient dans ma mémoire, mais ce n'est pas possible. Pourtant, pour rien au monde je ne les chercherais, pour rien au monde je ne m'inquiéterais de cet accroc dans la structure des rêves. Le fragment qui en vient m'emmène un peu plus dans un lieu de mon monde, non loin de la possibilité du calme essentiel revient. La disjonction dans la structure, le vide léger qui s'est glissé en elle est cela-même qui m'entraîne un peu plus loin.
Fragments intacts dans leur éparpillement. Dans leur éclatement.
Je n'ai plus à l'esprit que la surprenante diérèse de silencieusement dans un vers de José-Maria de Hérédia, il suffit de l'évocation de cette pure diérèse, pour qu'un autre espace s'ouvre et devienne possible, dans lequel la seule disjonction de ces deux voyelles dans l'articulation porte en elle et la musique de l'alexandrin, et la douleur de… celui… je ne m'en souviens plus, je ne le retrouve plus dans le désordre de mes souvenirs… celui dont vont les larmes amères. Un dimanche très lointain de mon enfance. L'après-midi décline et je récite ces vers.
C'est le jeu même du vague qui entraîne les possibles à sa suite, dans un sillage puissant, il suffit de suivre leur déploiement immense dans le silence des nuits. La structure est complexe et les accrocs ne l'affaiblissent pas. Ils créent des espaces plus sombres encore, dans lesquels descendre.
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