Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 31 octobre 2010

Carnets lointains, XXXIII (hors champ)


C'est l'heure où le monde gagne en extension. 

Profondeur de champ. Les lumières qui s'allument dans la nuit incisent les perspectives, et d'une entaille, les ouvrent plus loin, encore plus loin. Dans le paysage urbain qui se déploie, les fenêtres s'allument une à une dans les tours en l'espace de quelques instants, les réverbères balisent le cheminement de silhouettes rendues à leur intériorité. La vue sans esprit il y a seulement un instant devient un scintillement et se tourne vers le ciel. Il semblerait que la ville toute entière se retourne vers les étoiles, se constelle en retour. 

Miroir, jeux de miroirs.

On pourrait suivre la surface lisse d'un tracé imaginaire, du même geste dont l'enfance dessinait, sur la vitre, des rêveries embuées. On pourrait regarder, à la condition de se tenir en  équilibre contrôlé sur cette transparence cassante, les profondeurs de champ se répondre et se faire écho. Il y a certes des lignes brisées, des terrains vagues et des ruptures de ton, et des lieux sombres dans lesquels je ne m'aventure pas, mais ils ne sont rien d'autre que le vide insondable dans lequel les corps célestes se lancent pour leurs traversées millénaires. Vide insondable de la nuit, au bord de laquelle nous sommes. Toutes les nuits, dans lesquelles nous basculons, dans le vertige absolu.

Le jeu de miroirs n'est pas une simple vue de l'esprit. 

Sur ce coup-là, il ne peut pas gagner, il n'aurait pas la force de créer des constellations illusoires, non plus que des illusions astrales. Le regard commence à pouvoir suivre dans l'avancée du crépuscule qui se termine le tracé des galaxies colorées dans leurs déroulements immenses et leurs enroulements insensés, le long du boulevard périphérique, qui ceinture la ville et où des astéroïdes un instant arrêtés reprennent leur fuite dans la nuit sans fond. Les façades répétitives délaissent leur béton brut et leurs lézardes, se défont des traces grises que jour après jour la pollution,  renoncent à leurs fissures, et voilà qu'elles se ponctuent de scintillements, au fur et à mesure que le mouvement de la terre nous entraîne dans la nuit, elles le suivent fidèlement, et le train de banlieue emporte des silhouettes et glisse son tracé lumineux comme un trait assuré et clair dans ce dédale visuel. Certitude calme.

Métamorphose nocturne de la ville, au regard de la profondeur des nuits d'été, et le tracé de la voie lactée, un instant, nous remet en notre lieu propre.

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