Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 2 octobre 2010

Carnets lointains, XIV (souvenance)


Autrefois…

L'air était doux. La fenêtre entr'ouverte traçait un trait horizontal sur le feuillage des arbres. J'étais allongée à l'arrière, la tête posée sur quelque concrétion douce du monde qui soutenait ma nuque, et ma conscience flottait. Parfois je fermais les yeux, et l'alternance était simplement binaire, se réduisait à la seule succession ombre/lumière, la route me berçait, ombre des feuillages, lumière du soleil, cela aussi, longtemps que la route durait, et elle durait des heures, interminables, me berçait d'impressions douces et alternées, dans lesquels mes rêves se diluaient, ombres des arbres, caresse du soleil, puis ils se reformaient ailleurs, un peu plus, ombres des arbres, lumière du soleil.

Loin…

J'ignorais absolument où nous étions. Je n'avais en tête que le point d'arrivée ensoleillé,  incroyablement loin, dont le nom ne cessait toute l'année de m'attirer à lui, tout au long de l'année, d'un été à l'autre, et entre les deux il n'y avait rien que la route, parfois interrompue à l'ombre d'un arbre immense, ponctuée d'une église romane, d'un village en ruines auprès d'un château déchiqueté en à-pic sur la route, et la grâce subtile de l'odeur des plantes sauvages. Les jambes se dépliaient, retrouvaient l'espace des mouvements, puis de nouveau, les portières claquaient, et la rêverie reprenait.

Immense…

Je ne percevais que l'alternance rythmique des fils électriques, qui descendaient jusqu'au point le plus bas de leur courbe, remontaient, inflexion noire tracée sur les feuillages épais, ou sur le bleu du ciel, la courbe descendait, montait, atteignait un autre poteau, et son mouvement recommençait,  ourlait ma vision, et ainsi, il en était ainsi pendant des moments entiers de temps, compacts, denses, et retenait ma pensée toute entière et toutes les impressions qui me frôlaient.

Densité…
Le voyage était suspendu, compact, je n'avais aucune conscience de l'avancée du temps,  guère plus de l'avancée de la journée qui défilait, sous mes yeux, sur moi, aucune conscience non plus de la route, de l'avancée vers un ailleurs, des embranchements, des routes, des nationales, des hésitations entre les départementales, aucune perception autre que les arbres, la lumière, le ciel, les ombres, le vent, et tout cela recommençait interminablement, bonheur interminable. 

Hors de ma portée. 

Tout cela n'est qu'une incantation vaine, pendant les portes du métro se referment.




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