Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 14 octobre 2010

Carnets lointains, XXIII (dans sa gangue)



Il s'est retiré dans une gangue de rêves. 

Enfin, après les déferlements du jour, il est immobile. Personne ne lui demande plus rien. Il n'entend plus une seule voix, il n'en est plus une seule qui lui parvienne.  Pas de stridences, pas de chant des sirènes, plus de hurlements ni d'ordres, aucune insinuation. Là où il s'est retiré, dans le tréfonds de ses nuits, personne ne peut plus rien lui demander, et il n'entend plus rien. Il est dans une gangue, de silence et de rêves, qui l'emmène dans des circulations minérales de la matière.

Dans la nuit immobile, une image envahit son esprit. 

Encore une telle emprise est-elle plus une pure spéculation, nourrie d'abstraction et de concept, que la saisie réelle de ce qui lui arrive. Il est étendu, presque immobile, et seul son souffle soulève sa poitrine. Parfois, sous ses paupières, on le devine, ses yeux esquissent un mouvement et regardent une autre région du monde. On ne peut pas restreindre sa portée à son seul esprit. Son corps sans mouvement, étendu dans le lit, et dans sa chaleur, se laisse entièrement saisir par une seule image qui l'envahit entièrement. Il n'est plus que cela.

La forme explosée et déchiquetée d'une pépite d'or, rongée de circonvolutions et de volutes, qui se déploie irrégulièrement dans les ténèbres et le silence. Elle déplie ses retournements et ses renversements de veinules irrégulières et complexes dans les méandres de sa conscience.

Il n'est plus que cela, de tout son être, identifié par l'immobilité de son corps, à un silence souterrain et pesant, dans quoi des formes minérales et complexes se déplient secrètement, immobiles, à travers les ténèbres de la terre. Irrégularité des déploiements et des possibles entrevus. Ils ne bougent pas et pourtant ils l'englobent et l'enserrent, et instillent leur forme dans le moindre de ses gestes, alors même qu'il respire profondément, comme un dormeur habité de ses rêves dont les souvenirs et les possibles lentement, dans le décompte mesuré des minutes, se recomposent et se reforment, et se déploient encore, sous d'autres formes, dans des métamorphoses calmes et lentes, que rien ne pourra terminer avant qu'elles ne se soient épuisées d'elles-mêmes.

Il parcourt une veinule d'or qui presque, se détacherait du corps principal, et si elle était astéroïde, elle se perdrait dans le vide qu'aucun mouvement d'aucun atome n'anime, corps perdu, il la parcourt de ses yeux immobiles qui en poursuivent les méandres, dans la gangue ténébreuse de la terre. Sans doute dans ces ondulations fracturées quelque chose le fascine car dans son sommeil même, une larme coule  de ses paupières closes, et le long de sa joue, continue de glisser, aussi loin qu'il lui est possible de disparaître dans le creux de ses espoirs trompés. Alors comme un enfant il contemple de tout son être les mystérieuses géométries minérales, entièrement rongées, dévorées.

Où il retrouve toute la corrosion des espoirs perdus.

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