Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 19 octobre 2010

Carnets lointains, XXVIII (aérien)


Souffle. Respiration. La respiration parfois peut être douce, une fois que les strates ds rêves se sont lassées de nous, qu'elles nous ont rejetés un peu plus loin, sur la berge. Aller chercher les images et la régénérescence là où elles se trouvent, aussi loin qu'il est possible de se perdre en soi dans l'immobliité et les mécaniques mystérieuses, aller les chercher dans les méandres de la nuit, en dépit des méandres de la nuit, à travers eux. Apaisement.

Clarté et transparence des nuits (qui sont encore possibles — qui parfois sont encore possibles).

Quelque mécanisme vital qui s'accomplit en nous, silencieusement donne cette impression  sensible et presque matérielle d'atteindre la plage en revenant des affrontements gigantesques avec les vagues. Une à une elles nous ont bousculés, roulés dans leur écume subtile qui rejaillissait au-dessus de nous,  soulevés au-delà de nos possibles élans, puis elles nous faisaient retomber dans leur fracas et leur violence, nous rappelant que nous n'étions pas elles, et sous l'eau nos yeux curieux se fascinaient la mer devenue aérienne, incorporée de vent et de soleil violents. 

Et voilà que nous sentons sous nos pieds, après cette lutte joyeuse et vivace, la douceur lisse du sable sous-marin. Oubli et mémoire.  Les mécanismes s'accomplissent sans nous, dans notre ignorance complète et aveugle. Le jour passé s'éloigne indéfiniment, et le jour à venir soudain est très loin, et l'un et l'autre pour le moment nous rejettent sur cette berge anonyme et déserte. 

Dans le creux de notre chaleur, et la douceur du drap, et l'abandon des corps devenu possible, toutes les superpositions qui tout le jour durant nous sont imposées sans relâche se sont perdues, toutes, dans un éloignement immense, elles se sont perdues. Les postures et les froissements, les maintiens hiératiques, les contraintes des vêtements qui nous tiennent et nous interdisent des gestes, les voisinages involontaires, et les foules en cohorte dans lesquelles nous ne sommes rien que le point lumineux de notre conscience (nous la regardons, et elle ne se sait pas regardée, et même si chacun de nous ajuste cette focale, il n'en demeure pas moins que nous la réalisons pour nous, seul, et que nous maintenons vivace ainsi la certitude que nous ne sommes pas seulement un élément de la foule, mais aussi la conscience vacillante et rétive de ce mouvement global), tout cela s'est perdu.

Il reste de nous comme la flamme d'une bougie. Conscience aigüe de notre fragilité (il est possible que notre conscience se disperse dans le sommeil, et que nous nous y anéantissions). Conscience aigüe de notre vivace accroche au monde. Oscillation. La flamme d'une bougie dans le souffle du soir.

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